BIOGRAPHIE

Danielle Larouche avec Clément et Luc Desbiens
fils de François Desbiens


Texte de Christine Martel

lu à la présentation de Françoise Desbiens

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 19 novembre 2021



Femme d’influence et de cœur, Françoise Desbiens a régné durant quelques décennies au royaume de notre culture régionale. Ses réalisations sont une inspiration, et sa vie, un appel à l’action. Qui l’a connue se souvient que chacun de nous a la possibilité d’avoir un impact majeur sur son milieu, et qu’il peut l’améliorer, un projet à la fois. Cette discrète battante en était persuadée.


Françoise Tremblay naît à Shipshaw le 17 mars 1927. Son père, Stanley, est forestier et sa mère, Maria Gravel, femme à la maison. Au début des années 1940, la studieuse jeune fille obtient un brevet d’enseignement au Couvent de la congrégation de Notre-Dame, à Baie-Saint-Paul, où elle poursuit, du même souffle, une formation en piano et en orgue. Fraîchement diplômée, elle revient dans son village natal pour y enseigner et devient organiste à l’église de Saint-Jean-Vianney. 


En 1950, l’éducatrice démarre une troupe de théâtre amateur et son goût pour les planches ne la quitte plus. Mais, pour les années qui viennent, c’est la famille qui occupera le côté cour et le côté jardin de celle qui ne fait rien à moitié. Mariée à Hector Desbiens, en 1953, un prospère commerçant de fourrures à Chicoutimi, elle aura trois garçons, Mario, Clément et Luc, qu’elle élèvera, avec son incontestable fibre maternelle, auprès de son mari. Mais nous sommes aux balbutiements des années 1960, une époque de grands changements sociaux et d’ouverture sur le monde. La mère et épouse est déterminée à prendre sa place dans la société et à mener deux carrières de front. Son intérêt marqué pour la culture et les arts, le patrimoine et l’artisanat, sera désormais le prétexte et le moteur de son épanouissement professionnel. 


Dès 1968, persévérante, elle rejoint l’équipe de la Société des Arts de Chicoutimi et y est vite élue à la présidence. Son leadership inné l’amène à participer à la fondation de la Coopérative de développement culturel, en 1974, aujourd’hui Diffusion Saguenay. Elle y œuvre bénévolement, pendant trois ans, jusqu’à son arrivée à la direction générale de l’Auditorium Dufour. Personne engagée et de collaboration, appuyée aux communications par la regrettée Marie Talbot, elle y valorise le travail d’équipe et exprime son autorité naturelle dans le respect des autres. Elle contribue également à la création du Réseau Accès, l’ancêtre de nos ressources actuelles que sont Rideau et ROSEQ.


Pendant sa vie active, Françoise tient fortement à l’idée que la diffusion de spectacles doit profiter à toutes les disciplines et impose ses visions. Il faut se souvenir que, auparavant, on ne recevait ici que les artistes qui faisaient les beaux jours du « show business » québécois. Pour bien servir la clientèle de plus en plus nombreuse, elle convainc ses collègues de programmer au moins quatre pièces de théâtre et deux spectacles de danse par saison. Parce que ces programmations ne s’autofinancent guère, la Robin des Bois de la jungle artistique utilise la venue de vedettes plus connues par le public, pour balancer les budgets annuels et redonner aux moins nantis. Petit à petit, la coopérative parvient à dégager assez de profits pour payer les salaires de la directrice et de sept autres travailleurs. On y emploie plus de trente personnes, à son départ à la retraite.


Mais l’implication de cette femme de tête, et parfois opiniâtre, ne s’arrête pas là. Pendant de nombreuses années, elle est membre du conseil d’administration de Télémétropole et du comité d’analyse pour l’octroi des bourses du Fonds des arts et de la culture de la Fondation TIMI. Elle est appelée, à plusieurs reprises, à faire partie du comité d’analyse de projets du ministère de la Culture et des Communications. Et l’on reconnaît sa compétence car, de 1982 à 1992, elle est mise cinq fois en nomination pour le Félix du meilleur diffuseur de spectacles au Québec, qu’elle remporte en 1986. Lors du 150e anniversaire de Chicoutimi, elle est récipiendaire d’un Prix Hommage aux personnalités des arts et de la culture.


L’aplomb et la ténacité de Françoise Desbiens ont mis Chicoutimi et la région sur la carte des villes les plus importantes au niveau de la diffusion en salle. À titre d’exemple, dès 1975, l’Auditorium Dufour de Chicoutimi est le seul lieu de diffusion culturel de la province à présenter la troupe russe de danse Beryozka, parmi la dizaine de villes canadiennes l’ayant reçue. Il en est de même pour Starmania, qui accepte exceptionnellement de venir se produire à Chicoutimi, en plus de ses villes habituelles de Montréal et de Québec. Et, c’est sous son règne, que le grand Robert Lepage a joué, pour la première et dernière fois au Saguenay, dans sa pièce Vinci. 


Pour ajouter l’éloge au compliment, son accueil envers les vedettes est proverbial. La plupart du temps, elle va les recevoir à leur descente d’avion, leur organise une tournée des médias et les amène prendre un verre après la soirée. Selon leurs intérêts, ils visitent aussi les brocanteurs, les galeries d’art et plusieurs attraits locaux et régionaux. Claude Léveillée, Clémence DesRochers, Diane Dufresne, Jean-Pierre Ferland et Yvon Deschamps ont, entre autres, profité de ses bons soins, et les musiciens du groupe allemand de Tangerine Dream pour le plus grand plaisir de ses ados.


Être visionnaire, c’est beaucoup de responsabilités. Ce qui apparaît imprévisible, pour une majorité de gens, saute parfois aux yeux de ceux qui possèdent une vision claire et globale des choses. Grâce à leur talent, leur ouverture d’esprit et leur intuition, ils voient des perspectives là où d’autres ne perçoivent que des obstacles. Françoise Desbiens était de ceux-là. Mais le 18 mai 2018, le rideau tombe. Quitte à déranger encore un peu, elle abandonne subitement la scène à l’âge vénérable de 91 ans, après une vie fructueuse et inspirante, mise au service de ceux qu’elle appelait affectueusement « ses » artistes et qui sont dorénavant légion.


 

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POURQUOI L’ORDRE DU BLEUET



L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.